Tamlyn Guinard, une inséminatrice d’aujourd’hui

Au petit matin, le rituel quotidien est souvent le même : quelques moments d’échanges et prises d’informations au bureau avec les collègues, puis c’est le départ. La lumière est encore très belle en ce matin d’octobre quand Tamlyn Guinard prend le volant de sa fourgonnette toute équipée et s’engage dans la campagne vendéenne. La technicienne d’insémination se rend dans quelques élevages du secteur ayant passé commande d’une insémination, le principal mode de reproduction dans les élevages de vaches laitières.

Les techniciens d’insémination sont, en effet, un maillon essentiel du processus d’élevage. Ce sont eux qui, en lieu et place de l’accouplement naturel entre un taureau et une vache ou une génisse, procèdent à la mise en place de la semence, un geste qui lui-même est souvent fruit d’une réflexion méthodique partagé entre l’éleveur et ses conseillers. Dans le jargon spécialisé, on appelle cela la gestion des accouplements, qui consiste à optimiser le choix du reproducteur en fonction d’un certain nombre de critères et d’objectifs.

La jeune femme semble comme chez elle dans ce secteur de Vendée où elle a noué des relations de confiance avec les éleveurs dont elle à la charge et qui la lui rendent bien. Les inséminations ne prennent que quelques minutes, mais leur enchaînement laisse la place à une concertation informelle, entre deux gestes, le temps de remonter un couloir de stabulation, ou encore à la portière d’une voiture… Les échanges entre l’éleveur et l’inséminateur font partie du métier. « Ce sont des regards extérieurs dont on aurait du mal à se passer », résume Philippe, un éleveur qui est allé jusqu’à confier la conception des stalles d’insémination à l’une de ces conseillères, technicienne d’insémination. « Il n’y a qu’elle qui pouvait savoir exactement ce qui était le plus adapté ».

« Il n’y a qu’elles qui pouvaient savoir exactement ce qui était le plus adapté ».

Philippe, éleveur

« Elles », car de fait, la profession est aujourd’hui très féminisée. Cependant, Tamlyn n’est ni issue d’une famille d’éleveurs, ni de la région où elle exerce. A 30 ans, la jeune femme fait partie de cette génération venue s’insérer par choix dans un univers qui ne lui était pas désigné au départ. D’origine franco-belge, de parents commerçants, surtout attirée par les chevaux, Tamlyn – et qui porte un prénom asiatique, s’amuse-t-elle à préciser – a suivi un cursus agricole… en Normandie : « J’ai fait un bac professionnel dans l’élevage équin (conduite et gestion de l’exploitation agricole option systèmes à dominante élevage). J’ai beaucoup fréquenté les écuries mais le cheval cela reste un milieu difficile si vous n’êtes pas coopté. Les vaches, je n’y connaissais absolument rien mais j’ai eu la chance d’être accueillie par une exploitation laitière à Saint-Lô, dans la Manche, dans le cadre d’un BTS en alternance en production animale, et d’avoir été très bien accueillie ».

Après avoir travaillé pendant quatre ans dans une coopérative de minéraux du Calvados, la jeune femme a donné un tour plus animalier à son métier et de la sorte plus proche de ses aspirations, en passant du même coup pour des raisons familiales de la Normandie à la Vendée où elle œuvre pour la coopérative Gènes Diffusion. « Ce n’est pas le même type de travail et le rapport est plus direct avec l’animal et l’éleveur. Nous sommes garants de ce que l’éleveur investit dans quelque chose et que cela doit lui apporter une plue-value. Mais on le fait avec lui dans un rapport de confiance car ce que nous lui apportons en vaut la peine : on se sent pleinement utile et cela est une vraie source de satisfaction », explique Tamlyn qui ne nie pas pour autant que le métier puisse être rude et répétitif mais sans que cela soit source néanmoins de difficulté rédhibitoire : « Je suis maman, j’ai un petit garçon, je fais attention à mes conditions de travail en sensibilisant les éleveurs à la sécurité. Personnellement, je ne prends par exemple que très peu de coups de bottes !… Il faut savoir rester en forme pour garder sa motivation, savoir décrocher, se préserver : je fais des étirements, du yoga, de la course à pied… J’ai 30 ans et je pense qu’il est tout à fait possible de bien vieillir dans ce métier si l’on fait attention à soi et si l’on s’en donne les moyens ». D’autant que le métier d’inséminateur est loin d’être un cul de sac professionnel, les opportunités d’évolution vers d’autres fonctions d’accompagnement des exploitants étant très fréquentes dans les entreprises du conseil et services en élevages.

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