Pourquoi le méthane ?

La réduction de méthane entérique est un objectif à multiples voies et qui mobilise l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de filières bovines au travers du programme Methane 2030 lancé en 2024 sous l’égide d’APIS-GENE, société spécialisée dans le soutien à l’investissement, l’innovation et la valorisation en matière de recherche. Tous les grands pays d’élevage se sont en quelque sorte attelés à la tâche en élaborant des programmes de recherches à stratégies multiples et combinées :  alimentation, sélection, gestion des troupeaux… Si le méthane (CH4) n’est que le deuxième contributeur à l’effet de serre, après le dioxyde de carbone (CO²), le secteur agricole en est bien le premier contributeur et en a donc fait sa cible prioritaire. Le méthane est certes moins rémanent dans l’atmosphère, de l’ordre d’une dizaine d’années mais son pouvoir calorifique est bien supérieur aux autres gaz à effet de serre. Même si en élevage, il s’agit d’émissions éparses à concentrations relativement faibles, le méthane reste une cible pertinente. « Au cours des années 2014 à 2016, la concentration de méthane a augmenté à une vitesse inégalée depuis les années 1980 », relèvent les chercheurs du réseau Action Climat. Du point de vue environnemental, les émissions de méthane entérique font toujours l’objet d’investissement massif (données, méthode) pour une avancée rapide des connaissances et des résultats très tangibles. Il existe plus de 800 Greenfeed – des appareils capables de mesurer les rejets des animaux ruminants – en fonction dans le monde, et plus généralement toujours plus de travaux scientifiques exploitant les mesures directes.

Au-delà des résultats concrets attendus des solutions basses émettrices mises au point, il en va également de la démonstration par le monde de l’élevage de son engagement pour la recherche de solutions destinées à atténuer les effets du réchauffement climatique. Ces finalités sociétales ne sont pas neutres en matière socio-économique puisque le dossier carbone dans lequel s’inscrit l’atténuation des émissions de méthane mobilisera plusieurs centaines de conseillers auprès des éleveurs, conseillers par lesquels sont également diffusées les compétences et déployés les outils (bilans carbone, génomique,…) sur le terrain. Le dispositif doit se déployer sur la base d’un outil déjà connu, le logiciel Cap’2ER® d’ores et déjà utilisé en routine pour la réalisation de bilan carbone dans les élevages et s’appuie sur un réseau de fermes expérimentales représentatives de la diversité des systèmes de production et des conditions pédoclimatiques des élevages herbivores français. Mais l’appropriation par le monde de l’élevage des nouveaux process de prise en compte et réduction des émissions n’est encore que balbutiant et l’enjeu reste d’une efficience globale et significative reste entier.

Le méthane, c’est d’abord une affaire un peu prosaïque d’ingestion, digestion, émission…. Des micro-organismes dégradent les aliments présents dans le rumen de la vache, ce qu’on appelle la fermentation, et produisent des acides-gras volatils (AGV) Parallèlement, l’hydrogène, lui aussi issu de la fermentation, est converti en méthane par une autre famille de micro-organismes, non pas des bactéries mais des archées. Ces émissions sont sujettes à fluctuations horaires. Une vache laitière produit environ 500 grammes de méthane entérique chaque jour, qu’elle rejette essentiellement en ruminant par rots et autres expirations. Plus un animal mange des fourrages et de concentrés, plus il émet donc de méthane, phénomène biochimique de dégradation et coproduit normal de sa digestion, dont on cherche à réduire aujourd’hui la quantité émise. 

Mais l’idée de réduire les émissions de méthane s’inscrit quelque peu à contre-emploi des assignations naturelles de l’animal ruminant. En tout premier lieu parce que cet animal est doué d’une fonction polygastrique complexe dont le méthane est une émanation naturelle. Ensuite parce qu’ainsi il transforme la cellulose, le principal constituant des cellules végétales en lait ou en viande, une matière elle-même issue de surfaces qu’il est nécessaire de valoriser s’il on veut concourir à lutter contre le réchauffement climatique. « Le méthane, c’est le paradoxe de la vache qui broute », résume Luc Delaby, ingénieur de recherche à l’Unité mixte de recherche « physiologie, environnement et génétique pour l’animal et les systèmes d’élevage » (Pegase) de Rennes. « Si l’on voulait réduire drastiquement les émissions du ruminant, il suffirait de ne lui donner que des aliments concentrés, c’est-à-dire du grain, mais il y aurait une espèce de stupidité physiologique puisque ce ruminant a acquis la compétence de digérer des fourrages. Nous devons accepter l’idée qu’il n’est pas possible d’annuler le phénomène, seulement de le réduire… D’autant que nous avons besoin de ces animaux pour valoriser des prairies qui représentent 40 % de la surface mondiale ». Les prairies et spécialement les prairies permanentes jouent un rôle majeur dans le stockage du carbone tout en fournissant des services écosystémiques indispensables. 

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