Loup CrispR et loup-garou : rencontre entre deux mythes

Réelle avancée en matière de biodiversité ou pure communication, ou un peu des deux ? Le site Internet est en tous cas très riche, graphique et coloré, son propos ambitieux, son ton optimiste et désinhibé, bref typiquement américain, et son sujet n’est rien moins que celui des nouvelles technologies de la biologie au service de la résurrection d’espèces disparues. La « com » Internet de Colossal Laboratories and Biosciences, société de génie génétique américaine qui vient de faire parler d’elle en faisant naître deux loups hybrides ressemblant au « loup redoutable » (canis dirus), disparu il y  a 10 000 ans, a au moins le mérite de s’assumer comme telle : elle convoque un savant mélange d’arche de Noé, de graphisme de manuels de science grand public aussi bien que le souvenir des Grateful dead, un groupe de rock né dans les années 1960 dont l’un des titres était justement « Dire wolfe », littéralement « loup redoutable ». Les passionnés de Games of Throne auront également reconnu la bête… Bref, tout cela fait un peu… disons… « génétique pop ! » Mais remettre en question l’histoire évolutive soulève des questions qu’une communication même bien menée peine à réduire. Sur son site Internet (attention à la traduction française automatique et fantaisiste), Colossal Biosciences propose une redéfinition de la « désextinction » qui consiste, au sens premier, à obtenir des phénotypes perdus au fil du temps dans le sillage de l’extinction des espèces, et ce grâce à de nouvelles lignées de gènes de base. « La désextinction, ce n’est pas seulement cela, se défend la société texane, c’est aussi fusionner la biodiversité du passé avec les innovations du présent dans le but de créer un avenir plus durable ». Le « loup redoutable » est un canidé endémique du continent américain disparu il y a plus de 10 000 ans. Des cellules sanguines prélevées sur des loups gris communs (canis lupus) et de l’ADN extrait d’une dent (13 000 ans) de « loup redoutable » et d’un os de crâne (72 000 ans) ont permis d’obtenir des embryons ensuite implantés sur des chiennes porteuses. Vingt modifications ont été apportées sur 14 gènes grâce à la technologie CrispR, celui notamment de la taille, du muscle et du pelage. Tout cela est bien sûr encore trop peu pour parler d’espèce recréée, mais plutôt de réinterprétation partielle. La société américaine travaille également sur le mammouth laineux, le dodo et le tigre de Tasmanie… La démonstration que de telles manipulations puissent s’insérer dans les écosystèmes naturels d’aujourd’hui, elle, semble encore relever davantage de la foi des pionniers que de la pleine démonstration scientifique. 

Copyright photo mise en avant © 2025 Colossal Inc – https://colossal.com/direwolf

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