De nouvelles stratégies de maîtrise de l’infection des bovins par la paratuberculose, maladie endémique du troupeau française, se mettent en place grâce à la sélection génomique. Après dix années de recherche, des scientifiques d’Eliance, de l’Inrae et avec l’appui de l’école vétérinaire de Nantes, éclairent d’un nouveau jour la piste héréditaire grâce à l’identification des zones du génome impliquées.
La paratuberculose passe progressivement sous radar génomique grâce au déploiement de nouveaux indicateurs génétiques de résistance à cette maladie bovine qui empoisonne à bas bruit la vie du troupeau français. Après la race holstein, la race normande bénéficie depuis cette année d’un test, par génotypage, de la susceptibilité des animaux à cette maladie silencieuse dont les symptômes n’apparaissent souvent qu’à l’âge adulte. Autrement dit – et particulièrement s’agissant de la race normande où il a été démontré que la prédisposition à la paratuberculose était génétiquement très héritable – les éleveurs pourront orienter leur sélection afin de rendre leur troupeau plus résistant à cette infection.
En disposant plus précocement, puisque ce sont les veaux que l’on génotype, et plus précisément d’informations sur la résistance des animaux à cette maladie, les éleveurs et leurs conseillers vont pouvoir rendre encore plus efficients les dispositifs de suivi sanitaires qui jusqu’ici restaient la seule parade pour maîtriser l’affection dans les élevages, mais une parade relative car toujours longue à mettre en place. D’autant que « si l’on obtenait parfois des éradications dans 25 à 50% des cas, la persistance ou la résurgence restait toujours possibles », rappelle Rémy Guillot, vice-président de GDS France, fédération des groupements de défense sanitaire en charge du suivi prophylactique dans les élevages.
Une maladie sous surveillance répandue en France
Ces résultats dus à dix ans de recherche (1) éclairent l’apport essentiel des chercheurs en génomique dans l’approche des maladies en général, voire aussi émergentes et vectorielles, pouvant affecter les troupeaux. Plusieurs régions du génome avec des variants génétiques présentant ainsi des effets significatifs sur la résistance à la paratuberculose ont été détectés aussi bien en race holstein que normande. Des gènes plausibles du fait de leur rôle dans la réponse immunitaire ont été isolés.
La paratuberculose dite maladie du « boyau blanc » est due à la multiplication dans la paroi intestinale d’une sous-espèce de mycobactérie proche de celle de la tuberculose, très résistante dans le milieu extérieur, dans le froid humide, parfois persistante dans la microfaune (amibes dans les abreuvoirs, etc.) et les matières fécales qui de fait sont la source essentielle de ce Mycobacterium avium paratuberculosis (Map). C’est une maladie inflammatoire de l’intestin dont l’évolution est systématiquement fatale. Si les veaux, qui sont les plus sensibles jusqu’à l’âge de six mois, s’infectent par contact dans l’environnement (trayon, colostrum ou lait souillé), seuls les bovins adultes sont sujets à l’expression de la maladie. Elle se manifeste par une entérite chronique, un amaigrissement mais sans perte d’appétit ni fièvre. La contamination entre adultes reste rare. Sa complexité et sa variabilité tiennent surtout à sa longue période d’incubation et au dépistage car tous les animaux ne sont pas excréteurs de la bactérie au même rythme ni avec la même intensité, son expression dépendant à la fois des facteurs génétiques et des conditions d’élevage (alimentation, hygiène, densité). C’est une maladie difficile à appréhender. 10% des cas sont véritablement visibles cliniquement. Des animaux par exemple très bien entretenus et sans carences nutritionnelles peuvent ne jamais manifester de symptômes. Il n’existe pas de traitement et la vaccination reste imparfaite.
Dans une configuration classique, le suivi de la maladie nécessite de nombreuses analyses. Le risque est alors que la décision d’écarter les animaux atteints s’avère trop tardive, laissant le temps aux animaux excréteurs de contaminer leur environnement. Disponible depuis avril, le génotypage des animaux de race normande permet de déterminer leur statut de résistance par rapport à la maladie. Les femelles disposent de quatre statuts de sensibilité (très sensible, sensible, intermédiaire, résistant). Des informations capitales également du côté des schémas de sélection pour l’émergence des taureaux améliorateurs. Les animaux trop sensibles seront bien sûr écartés de la reproduction. L’effet global de cette nouvelle approche reste néanmoins tributaire de l’appropriation du génotypage par les éleveurs non encore usagers de cette technologie en sélection, d’autant que l’enjeu consistera désormais à ouvrir le test génomique au plus grand nombre de races et notamment allaitantes. Paralèllement, l’autre piste de recherche consiste à poursuivre l’exploration du génome des souches Mycobactérium avium paratuberculosis, un programme ayant déjà permis d’en isoler 200 il y a quelques années.
(1) Programmes PARADIGM, PTB56/financements et maîtrise d’oeuvre APIS-GENE.
Des conséquence économiques
La paratuberculose est une maladie à surveillance et notification obligatoire et il est probable que son encadrement réglementaire se resserre encore à l’avenir. De fait, la part des élevages laitiers atteints se situe dans une fourchette somme toute conséquente. Entre 50 et 70% seraient concernés. L’élevage allaitant n’est cependant pas indemne, notamment en race limousine. L’impact économique de la paratuberculose sur la production n’a cessé de croître ces dernières années (équivalent à 1 kg à 2,5 kg de lait par jour, en fonction du niveau de contamination de l’animal) mais aussi sur les troupeaux dès lors où les animaux doivent être éliminés. Le coût des animaux improductifs affecte toute la filière qui pourrait se voir restreinte sur des marchés exempts de paratuberculose. Tout le processus de suivi, de dépistage et de procédure de réforme mobilise également des ressources financières. Ainsi, pour un groupement de défense sanitaire (GDS) tel que celui du Grand ouest, le coût est estimé à 250 000 € par département et par an. Enfin, ce type d’affection endémique rend également plus vulnérable l’image de la filière en matière d’engagement environnemental et social.